Comparer les polices américaine et française, c’est questionner les angles morts de notre mémoire nationale, car les origines du racisme policier en France sont anciennes et liées aux Antilles tout autant qu’à l’Afrique.
Tribune. On pourrait écrire tout un livre au sujet des réactions françaises générées autour du tremblement de terre #GeorgeFloyd aux Etats-Unis et des secousses globales qui suivirent, notamment le rassemblement organisé à Paris le 2 juin par le comité Vérité et Justice pour Adama Traoré. Dans une «discussion» avec l’universitaire Maboula Soumahoro sur BFM TV, le chroniqueur Eric Brunet affirmait récemment que l’idée même de racisme institutionnel serait un emprunt indu à la culture américaine. La police française ne peut être raciste parce que la République française n’a pas d’histoire raciste.
Et pourtant : nombre d’institutions françaises, notamment nées avant la révolution, portent toujours les marques des préjugés sur lesquelles elles furent fondées. C’est le cas notamment de la police, dont l’histoire – n’en déplaise à Eric Brunet – est très américaine.
L’entrée de la France dans la traite esclavagiste au XVIIe siècle est suivie d’un nombre sans cesse grandissant de lois coloniales régissant toutes les dimensions de l’existence des Noirs esclavisés et libres. L’infâme taxonomie de couleur de peau mise sur papier par le colon martiniquais Moreau de Saint-Méry est à l’image d’un ordre racial développé par et pour les Amériques, mais dont les vagues viennent bientôt baigner les côtes françaises.